
10 Jul Effets fiscaux derives de la loi RIE III sur la double imposition economique
1. Pourquoi reparler de double imposition économique ?
Les bénéfices d’une société anonyme sont taxés une première fois au niveau de l’entreprise, puis une seconde fois lorsque ces bénéfices sont distribués sous forme de dividendes : c’est la double imposition économique. Dans les PME familiales, où les dirigeants sont aussi actionnaires-salariés, cette surcharge fiscale peut dépasser 60 % du revenu agrégé .
La RIE II (2009) avait déjà tenté de réduire la pression en exonérant partiellement les dividendes, mais le gain restait trop faible pour les entrepreneurs travailleurs . La RIE III, votée au niveau cantonal, va plus loin : elle abaisse le taux d’impôt sur les sociétés vaudois à 13,79 % (contre 21,62 % auparavant) , soit une baisse de 36,22 % . Reste à savoir si ce « shot fiscal » change réellement la donne pour vous.
2. Le nouveau paysage fiscal en trois profils
Profil | Avant RIE III | Après RIE III |
---|---|---|
Actionnaire pur investisseur | Double imposition lourde | Gain spectaculaire : charge totale ↓ 36 % |
Indépendant (raison individuelle) | Imposition unique, sans dividendes | Pratiquement inchangé |
Actionnaire-salarié | Double imposition + cotisations AVS | Situation mitigée : légère amélioration mais contraintes juridiques inchangées |
3. Actionnaire-salarié : gain fiscal… ou mirage ?
3.1 Le mythe de l’arbitrage 80 % salaire / 20 % dividendes
Nombre de dirigeants espéraient qu’en remplaçant 20 % de leur salaire par des dividendes, l’exonération de 30 % issue de la RIE II, combinée au nouveau taux IS, suffirait. Les simulations sur 45 cas (bénéfice brut 100 k – 1 M CHF) montrent le contraire : l’impôt société grevant les dividendes annule le bénéfice de l’exonération, et la charge globale reste jusqu’à +10 % plus élevée qu’un salaire pur à 100 k CHF .
3.2 Où se loge alors le « vrai » avantage ?
L’étude révèle que le seul allégement provient du solde AVS : les dividendes échappent aux cotisations, tandis que le salaire baisse sous le plafond de 86 400 CHF. Le gain net oscille entre 1 652 CHF (bénéfice 100 k) et 38 379 CHF (1 M) – mais c’est une économie sociale, pas fiscale.
3.3 Les seuils irréalistes pour l’égalité de traitement
Pour aligner sa charge sur celle d’un actionnaire pur, un entrepreneur salarié devrait distribuer 79 % à 97 % de son bénéfice en dividendes selon la taille de l’entreprise… un niveau impossible sans tomber sous le coup du « sous-salaire » et du risque de requalification par l’AVS et le fisc .
4. Conseils pratiques de la Fiduciaire Reddani
- Validez votre barème salarial. Un ratio salaire/dividende de 80/20 reste généralement toléré par l’administration, mais chaque cas est unique .
- Calculez l’impact global. Additionnez impôt société + impôts personnels + cotisations sociales avant toute décision. Notre propre calculateur intègre ces trois niveaux et la nouvelle grille vaudoise.
- Surveillez la valorisation de l’entreprise. Le dividende admissible ne doit pas dépasser 10 % de la valeur fiscale ; au-delà, gare à la requalification .
- Anticipez la boîte à outils RIE III. Brevet box, intérêts notionnels, etc. peuvent encore améliorer la charge future, surtout pour les PME innovantes.
- Restez agile. Le cadre fédéral évolue ; tenir un scénario alternatif (statut d’indépendant, fusion familiale, etc.) protège votre plan patrimonial.
5. Au-delà des chiffres : une question de gouvernance
Réduire la double imposition aligne la Suisse sur les normes OCDE-BEPS tout en préservant son attractivité pour les multinationales . Pour les entrepreneurs vaudois, la RIE III est surtout un appel à professionnaliser la gouvernance fiscale :
- Traçabilité des bénéfices (expliciter la chaîne décisionnelle).
- Neutralité dans les modes de financement pour éviter une trésorerie « obèse ».
- Équité entre actionnaires salariés et investisseurs externes – condition clé pour attirer du capital sans surcharger la société.
6. Conclusion – RIE III : opportunité confirmée, eldorado à nuancer
La baisse à 13,79 % place Vaud dans le peloton de tête européen, mais ne gomme pas totalement la double imposition. Les actionnaires-salariés gagnent surtout en flexibilité AVS, tandis que les investisseurs purs engrangent la meilleure part de la réforme. L’enjeu n’est donc pas seulement fiscal ; il est stratégique :
« Un système fiscal équitable doit cesser de dicter la structure de financement de l’entreprise » – J. Reddani